MUSEOS DE LA SEDA / SILK MUSEUMS
UNE BRÈVE HISTOIRE DE LA SÉRICICULTURE EN FRANCE La sériciculture a connu une histoire longue et incertaine en France. Il a fallu attendre la première moitié du XIX e siècle pour qu’elle connaisse une réelle prospérité malgré un démarrage très ancien. A la fin du XIII e siècle en effet (en avril 1296), un habitant d’Anduze (en Cévennes), Raymond de Gaussargues, est qualifié de trahanderius ou ‘tireur de soie’, ce qui signifie qu’il dévide les cocons de soie pour former un fil de soie grège 3 . Au vu de cette mention et de l’identification de bois de mûriers noirs au XIII e siècle à Calberte 4 , on peut penser que la sériciculture était déjà présente en Cévennes. Elle s’y est poursuivie et s’est étendue au XIV e siècle puisqu’une vingtaine de tireurs de soie différents sont alors repérés à Anduze où ils transforment non seulement des cocons produits sur place mais aussi d’autres achetés dans le Vivarais, soit à peu près l’Ardèche d’aujourd’hui 5 . Comme dans d’autres cas, la sériciculture se serait développée dans après le tissage de la soie attesté dès 1231 par la présence d’un tisserand de soie d’ Alesto (Alès) parmi des ouvriers migrant alors à Bologne (Italie) 6 , et en 1234 par l’exportation vers Tunis, via le port de Marseille, de soieries des Cévennes 7 . Dès lors, la sériciculture semble s’être maintenue et avoir même progressé dans le sud de la France. A la fin du XV e siècle, elle s’étendit à d’autres régions comme la vallée de la Loire, puis à Paris où Henri IV suivant les idées d’Olivier de Serres et de Barthélemy de Laffémas décida à partir de 1601 que des dizaines de milliers de mûriers devaient être plantés dans le jardin des Tuileries et dans chaque diocèse français 8 . Après une croissance lente et irrégulière au 17 e -18 e siècle, la production de soie grège atteignit en France le pic des 25 millions de kilogrammes in 1850 9 . Elle chuta alors brusquement suite à la diffusion des maladies du ver à soie - la pébrine et la flâcherie – et elle ne se redressa jamais complètement, même après que Louis Pasteur eut trouvé comment enrayer l’épidémie. Elle remonta un peu dans le dernier quart du XIX e siècle mais ne pu enrayer la tendance à la baisse. En 1900, la sériciculture se maintenait encore dans 28 départements, tous dans le sud à l’exception de la Loire. En 1943, moins de la moitié d’entre eux produisaient encore des cocons 10 , la plupart dans le sud-est le long de la vallée du Rhône qui pouvait drainer facilement cette matière première vers Lyon, principale consommatrice de grège pour son tissage. En 1965, la dernière filature française de soie, la Grande Rouge, fermait ses portes à Saint-Jean-du-Gard (voir infra ). Il n’y avait plus de lieu pour tirer la soie des cocons dans un cadre industriel. C’était la fin de la sériciculture française. Ainsi, c’est dans les trois départements où la sériciculture s’est établie le plus tôt qu’elle a résisté le plus longtemps. Et c’est justement là que se trouvent aujourd’hui les cinq musées de la soie. Ils se trouvent 3 C h o b a u t , Hyacinthe, Les origines de la sériciculture française , Avignon,Rullière,1941 ; Durand,Aline Dupaysage à la pratique, des gestes à l’environnement. Essai d’approches croisées sur les systèmes agraires en France méridionale et en Catalogne (IXe-XVe siècle) , chap. III, HDR Université d’Aix-Marseille, 2004, p. 233-289 ; Durand, A. L. Bouby, L. Chabal, P. Mane, M.-P. Ruas, «Histoire et utilisations desmûriers blanc et noir en France. Apports de l’archéobotanique, des textes et de l’iconographie », in : Marie-Pierre Ruas (ed), Des fruits d’ici et d’ailleurs. Regards sur l’histoire de quelques fruits consommésenEurope ,Paris, Omniscience, 2016, p. 213-266 (voir p. 252- 254). 4 Ibid p. 231 et fig. 2, p. 229 ; Durand, Du paysage à la pratique p. 281. 5 D’après les registres notariés réunis par Chobaut, Les origines de la sériciculture ou consultés par Durand, Du paysage à la pratique p. 274-275, 281. 6 Fennell Mazzaoui Maureen,«Theemigration of Veronese textile artisans to Bologna in the thirteenth century », Atti e Memorie dell’Accademia di Agricoltura, Scienze e Lettere di Verona , s. VI, 19, 1967-1968, p. 275-321 (voir tableau p. 310-319). 7 Blancard, Louis, Documents inédits sur le commerce de Marseille au Moyen Âge , Marseille, Ba rl at i e r- Fe i s s at , 1884-1885, I, n° 48, p. 65 (12 avril 1234). 140
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